Les observations du médecin Jacques Duval
sur Marie/Marin Le Marcis

A ces observations, ajoutons celles de Jacques Duval sur la personne de le Marcis, connue "pour avoir changé d’habit et de nom" depuis son procès de 1601 devant le Parlement de Rouen, où elle a été "en grand danger de perdre la vie", euphémisme qui cache le risque encouru d’une condamnation à mort. Jacques Duval, docteur et professeur de médecine, relate l’histoire et le procès de "l’hermaphrodite de Rouen" dans son livre Des hermaphrodites, accouchements des femmes, et traitement qu’il est requis pour les relever en santé, et bien élever leurs enfants, publié à Rouen en 1612, et dont un arrêt du Parlement en date du 4 avril 1612 porte ordonnance de saisie des exemplaires imprimés et interdiction à la vente. Marie le Marcis avait été baptisée, nommée, vêtue et tenue pour fille jusqu’à l’âge de vingt ans, puis "ayant senti indices de sa virilité, changea d’habit et se faisant appeler Marin au lieu de Marie, se fiança et donna foi de mariage à une femme, laquelle il connut charnellement par plusieurs fois." Pour épouser le Marcis, Jeanne le Febure, veuve avec deux enfants vivants, doit abjurer sa religion réformée. Au moment de se marier, Jeanne et le Marcis sont faits prisonniers. Le Marcis est examinée par un médecin, un apothicaire et deux chirurgiens, qui ne trouvent "aucune marque ou signe de virilité", puis condamnée à être pendue pour "crime de sodomie et luxure abominable", pour "avoir violé nature, offensé l’honnêteté publique, déçu l’église, profané les saints sacrements". Ayant fait appel du jugement de Montivilliers, le Marcis se retrouve devant le Parlement de Rouen, qui ordonne une nouvelle expertise médicale, effectuée par six docteurs en médecine, deux chirurgiens et deux obstétriciennes jurées. Tous les experts confirment le premier examen, sauf Duval qui "sonda les parties naturelles dudit Marin le Marcis avec le doigt" et "trouva son membre viril". Dans son verdict, la Cour de Rouen condamne Marie le Marcis à garder l’habit de femme et lui fait "très expresses inhibitions et défense d’habiter avec aucune personne de l’un ou l’autre sexe sur peine de la vie". Après avoir rapporté ces faits et le jugement qui permet à le Marcis d’échapper à la condamnation à mort, Duval se demande "quelle constitution du ciel a induit les misères de le Marcis et l’a presque conduit à perte de vie". Il affirme que dans "la situation et figure du membre viril de Marin le Marcis", "les effets de nature sont fort admirables". La conviction que "Nature se délecte en variété" est si ancrée en Duval, qu’il précise que "nature se joue aux diverses configurations et situations des membres", avant d’invoquer "l’histoire de l’homme qui avait une dent d’or" pour établir "la vérité de l’hermaphrodite"...